CBD n'est pas psychotoprope

Le CBD n’est pas un PSYCHOTROPE !

Que sait-on sur la nature des agents dits psychotropes ? D’après le Dictionnaire médical de l’Académie de Médecine, ce sont des « médicaments dont l’effet principal s’exerce sur les fonctions psychiques et le comportement ».

Le psychotrope affecte donc les « fonctions psychiques » et le « comportement ». Si le CBD n’est pas psychotrope, il n’affecte par conséquent ni l’un ni l’autre. Mais, et si ce qu’entendent médecins et psychologues au sujet des fonctions psychiques et du comportement ne correspond pas tout à fait à ce qu’entend le sens commun ? Il n’y aurait certes aucune nouveauté dans une proposition qui consisterait à affirmer que nous ne sommes pas tous des médecins, pharmaciens, psychologues. Mais c’est précisément ce type de proposition qui nous permet de rappeler que ce n’est pas sans effet que le jargon de ces praticiens s’immisce dans le glossaire populaire.

Les multidisciplinaires réflexions ci-après s’adressent aux personnes jouissant de la disposition à voir l’actualité de notre usage quotidien et familier de mots d’acception clinique dont nous ne pourrions donner aucune définition – et à voir les différents problèmes de communication et compréhension que cette actualité des choses suscite forcément. Pour le dire autrement, et tout compte fait, les considérations qui suivent, par leur promenade entre différents domaines du savoir occidental, devraient pouvoir produire un écho de discernement chez tous les consommateurs de CBD qui se sentent un peu perdus devant la répétition du mot psychotrope.

Fonctions psychiques

Venons-en aux termes de la définition du dico des toubibs. Que veulent donc dire les experts quand ils emploient la locution « fonctions psychiques » dans leur définition de psychotrope ?

Faisant déjà date, un article intitulé « Fonctions psychiques et troubles mentaux », paru sous la plume du Dr. Maurice Mignard, peut dans ce sens aider la personne qui manque d’initiation, du moins en matière de lexique savant. Dans ledit article, il est question par exemple de « fonction régulatrice » ; de « fonction de direction volontaire des actes et des idées (autoconduction) » ; de « fonction supérieure d’adaptation au réel » ; de « direction volontaire ».

Le type d’expression que nous venons de lire n’a pas vocation à mettre à l’aise le novice. Le fait est que dans un document savant, dans un article spécialisé, dans un compte-rendu d’expert, il y a toujours de quoi se faire une mise en bouche de l’état de l’art de tel ou tel champ scientifique ou domaine de connaissance. La lecture de l’article que nous citons permet par exemple de constater l’existence pour les savants de ce qu’ils nomment les « fonctions mentales », catégorie dans laquelle il serait permis de ranger le « raisonnement », le « jugement » et l’« imagination ». Puis, d’une sorte de stade avancé de celle-là, à savoir, les « fonctions mentales supérieures », qui seraient à la base du « pouvoir d’invention et de combinaison ». À part ce qui est nommé « fonctions mentales » dans son article, il est aussi question pour le Dr. Mignard de « fonctions logiques », de « fonctions intellectuelles », ou même de « fonction du trouble de la direction volontaire des phénomènes intellectuels ».

Si nous mentionnons tout cela, c’est seulement dans l’intention d’attirer l’attention de la lectrice ou du lecteur sur la multiplicité conceptuelle vers laquelle le terme « fonctions psychiques » pourrait nous envoyer à partir du survol d’un seul et unique texte spécialisé en la matière. En d’autres termes, dire de « psychotrope » que c’est le médicament doté du pouvoir d’affecter les fonctions psychiques n’est pas peu dire. C’est même dire beaucoup de choses à la fois. Or, bien malgré le fait que nous puissions déjà constater cela, il ne faudrait pas laisser passer cet autre fait que nous n’avons jusqu’ici rien fait d’autre qu’emprunter des termes à un article scientifique. En ce sens, il est judicieux d’ajouter un morceau du verbe de ce psychiatre qui nous fournit déjà son lexique :

« […] un individu dont le jugement est perdu, n’est-il pas un dément ? Il n’est cependant pas atteint forcément d’un affaiblissement global ; l’éminente fonction de juger, d’évaluer, lorsqu’elle disparaît, ne laisse pas persister l’intelligence, bien qu’elle permette l’intégrité d’autres fonctions, telles que la mémoire, la perception, l’attention par exemple. »

En dépit d’une glose et d’un vocabulaire peu actuels, le Dr. Mignard ne chancelle pas à nos yeux lorsqu’il s’agit de faire valoir l’esprit comme une disposition de fonctions. Devenu objet, le sujet est de nos jours délibérément et arbitrairement fragmenté, sectionné, disséqué jusque dans les confins de son être. Fonctions de juger, d’évaluer, de mémoriser, de percevoir, voilà ce qu’est devenue notre psyché, notre âme – de laquelle il nous arrive de faire maladroitement fi. On y reviendra.

Comportement

Par suite de ces quelques mots d’introduction sur le vaste et dense sujet desdites « fonctions psychiques », il est temps maintenant, ça va de soi, de savoir ce qu’il en est de la définition de « comportement » dans l’état actuel de notre pensée autour du CBD.

Remettons les points sur les « i » ; accordons-nous le loisir de la répétition. Répétons la définition de « psychotropes » proposée par le Dictionnaire médical de l’Académie de Médecine disponible en ligne : « médicaments dont l’effet principal s’exerce sur les fonctions psychiques et le comportement ». Si pour avoir des précisions en matière de « fonctions psychiques » nous passons par le glossaire des toubibs, il nous paraît juste de le laisser de côté quand nous nous interrogeons au sujet du « comportement ». Le Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales (CNRTL) du Centre National de Recherche Scientifique (CNRS) dispose d’un portail lexical accessible gratuitement en ligne ouvrant accès à différents dictionnaires de langue française. Dans ce portail, une fenêtre ouverte sur le Trésor de la Langue Française dans sa version informatisée (TLFi) nous permet de vérifier que le terme « comportement » désigne l’« ensemble des réactions observables chez un individu placé dans son milieu de vie et dans des circonstances données ».

Cette vérification encourage à affirmer que le comportement ne relève pas de la nature ou de l’essence d’une personne mais des conditions de possibilité de son existence. Pour qu’il y ait comportement il faut au moins deux instances : le même et l’autre. Notons en passant que, pour faire cette petite analyse, il nous a suffi de mobiliser un seul dictionnaire de langue française. Pour approfondir un tant soit peu la question, rien ne vaut un changement de point de vue, léger soit-il. Le prisme philosophique permet alors de constater que c’est l’exigence des circonstances, forcément observables, qui détermine le caractère inaliénablement contextuel du comportement. Le philosophe Vladimir Jankélévitch, dans son ouvrage Le Je-ne-sais-quoi et le presque-rien, paru en 1957, prétend par ailleurs que « le comportement […] n’est qu’un alphabet entre les autres ; pas le plus portatif, ni le plus volubile ».

Force est de rappeler qu’un flot d’encre a coulé depuis que le comportement est devenu un cas d’école. Il est de nos temps aisément permis de parler en termes d’« Étude ou de science du comportement » ; de « Psychologie du comportement » ; de « Modèle de comportement » ; de « Schème de comportement » ; pour ne pas mentionner le célèbre « Behaviorisme », qui est une espèce de méthode fondée sur l’observation objective au sein de laquelle la psychologie serait une science relative non pas à l’intériorité des sujets mais à leur comportement, dit extérieur. Selon Henri Maurice Brugère, professeur de physiologie thérapeutique à l’École nationale vétérinaire d’Alfort, la découverte en matière de science comportementale connue populairement sous le nom de « chien de Pavlov » a été saluée comme une énorme « avancée dans la compréhension des mécanismes de l’activité nerveuse supérieure ».

Pour celles et ceux qui n’ont pas entendu parler de l’expérience de Pavlov, voici quelques mots qui sont, par le professeur Brugère, mis à la disposition du public sur Universalis : « En étudiant les facteurs du déclenchement des sécrétions digestives, le physiologiste russe Ivan Petrovitch Pavlov (1849-1936) a montré que, en plus des réflexes simples (dits absolus et qualifiés plus tard d’innés) et des actions sensorielles (vue, odeur de l’aliment) induites par le repas, des stimulations initialement sans rapport (sonores, tactiles) peuvent devenir actives, c’est-à-dire provoquer la sécrétion digestive étudiée. Ce mécanisme acquis définit les “réflexes conditionnés”, dont la mise en évidence restera associée au “chien de Pavlov”, porteur d’une canule (salivaire, pancréatique…) et entraîné à répondre aux stimulations appliquées par l’expérimentateur. »

Convoquons maintenant le biologiste Jean Rostand. Car, dans un ouvrage intitulé La Vie et ses problèmes, paru en 1939, c’est ce scientifique écrivain qui, avec une phrase sans doute atemporelle, nous offre le contrepoint parfait de ce que nous venons d’exposer. « On imagine combien la tentation est forte, pour le physiologiste, d’expliquer tout le comportement animal et même humain par le moyen des réflexes conditionnés. »

À celles et ceux dont l’esprit reste un tant soit peu éveillé – sans être ébloui par la pléthore de lumière qu’émane des sources d’information numériques de notre siècle –, la lecture des considérations précédentes dispenserait même d’affirmer, avec le CNRTL, que « la plupart des psychologues du comportement étendent l’objet de leur étude à l’animal en tant qu’organisme doué d’un système nerveux ». La lectrice et le lecteur sagace auront, autrement dit, déjà saisi la polysémie du mot « comportement ». En effet, nous avons bel et bien cerné la nature mouvante de tout concept reposant sur l’idée de standardisation du comportement. On aura compris que dans le glossaire de l’histoire récente des idées occidentales, le terme « comportement » figure surtout et avant tout comme la clé d’actualisation d’une vieille obsession : celle de fixer des traits de la démarche humaine par l’observation de tout ce qui peut être comparable à l’homme, que ce soit un dieu, un insecte ou un mammifère.

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